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► Comment impliquer le public des épiceries ? Pistes de réflexion

Participants : Pascale REVERDY (Conseil Général du Val de Marne -94), Annie DENIEULLE (CCAS d’Angers - 49), Béatrice WAMBOK (comité d’usagers du CCAS d’Angers - 49), Geneviève AVOUNDOGBA (CCAS de Florange - 57), Marie-France DURET (CAF de Saintes - 17), Céline BEGE (Epicerie sociale Episol - 17)


Introduction : Quel sens donner à l’implication des usagers ?

Pascale REVERDY rappelle les grandes valeurs de la charte de l’A.N.D.E.S : les bénéficiaires ont des compétences et des savoir-faire qu’il faut mettre en avant. L’épicerie est un lieu chaleureux et convivial qui favorise les échanges et la participation des usagers. La notion de projet est centrale et la charte préconise, à travers l’article 9, de donner une participation active aux bénéficiaires.
La notion de développement social local (DSL) prend alors toute sa place dans les épiceries. Le DSL permet de mobiliser des bénéficiaires potentiels dès le montage du projet notamment à travers le diagnostic social partagé. L’idée est de ne pas faire « ce qu’on pense être bien pour eux » mais de construire ensemble un outil qui répond à un besoin et à une demande. Une fois la structure ouverte, il faut continuer à solliciter l’aide des bénéficiaires. On dépasse ainsi le processus de stigmatisation. Les expériences faites dans ce sens sont très positives et favorisent considérablement l’estime de soi : « quand on fait confiance, on redonne confiance ».
Il faut proposer la participation aux usagers mais leur laisser le choix de cette participation. L’implication des usagers permet de ne pas passer à côté des objectifs d’une épicerie et de ne pas rester dans la distribution alimentaire. De plus, cette démarche limite le sentiment de honte. Les usagers peuvent « redonner » sous une autre forme l’aide qui leur a été apportée. Les épiceries s’inscrivent ainsi dans la notion de dons / contre-dons.

Les actions du comité d’usagers du CCAS d’Angers (49)

Le comité d’usagers du CCAS d’Angers (155 000 habitants) a pris forme il y a 7 ans. La motivation des élus pour ce projet était de favoriser la participation des angevins à faibles revenus, en leur donnant la parole sur des sujets qui les concernent. Ainsi les objectifs de cette démarche étaient multiples : améliorer les services du CCAS, innover en termes de réponse sociale, impliquer les citoyens concernés (politique participative), créer un outil de promotion à la citoyenneté, entretenir le lien social
Le comité a pour rôle l’information, la concertation, la formation et la prospection. Il peut ainsi éclairer les décisions des élus et améliorer la qualité des services du CCAS.
Ce comité est composé de 62 membres permanents élus pour 2 ans (50 usagers, 6 élus et 6 représentants d’associations), ainsi que de membres non permanents. On y retrouve des groupes témoins, des agents techniques du CCAS et de la ville, divers professionnels.
Le comité est organisé de la manière suivante :
Consultation
Débat
Validation
Décision
Groupe chantier⇒
séances plénières⇒ 
Arguments exposés à la municipalité.

Le comité n’a pas de pouvoir décisionnel ; la décision appartient à la municipalité.


Témoignage de Béatrice, 
membre du comité d’usagers :
« Ce n’est pas parce qu’on est dans la précarité qu’on ne peut pas réfléchir. Dans certains lieux de distribution alimentaire, je me suis senti parfois dénigrée, dévalorisée… Je me suis dit, si je continue comme ça, je vais plonger ! »
Elle a déposé sa candidature suite à une lettre reçue par le CCAS. Elle avait été accueillie au CCAS suite à un problème personnel. Sa participation au comité d’usagers lui a permis de se sentir accueillie : « ça a été un vrai outil d’intégration pour moi. On a des réunions dans les grandes salles à la mairie, ça tire vers le haut… les élus sont présents, le maire aussi. »
Elle a pu intégrer sa participation au comité d’usagers dans son Curriculum Vitae. Elle travaille aujourd’hui à temps partiel.
« Avec le comité d’usagers, on a le sentiment que les propositions que nous avons faites ont été entendues, c’est encourageant ! La participation c’est un rapport à soi, aux autres, au monde et au pouvoir que l’on accepte de partager ».
Annie DENIEULLE conclut en évoquant les éléments incontournables à la mise en place d’un comité d’usagers :
-       Disposer d’une forte volonté des politiques, des institutions et des associations.
-       Clarifier les règles du jeu et les rôles de chacun.
-       Former les membres à l’exercice du groupe de parole et à l’écoute.
-       Avoir les moyens humains qui animent et accompagnent les travaux et la démarche.
-       Mettre en place de moments conviviaux et festifs.
-       Participer aux frais liés aux déplacements (transports en commun, garde d’enfants…).
-       Travailler sur la reconnaissance et le symbolisme (exemple des réunions qui se déroulent dans les locaux de la mairie).
-       Mettre des actions concrètes en place.
-       Admettre l’inconnu du projet et faire confiance au collectif.
 

L’expérience du CCAS de Florange (57)
 
Suite à l’augmentation du nombre de personnes en rupture sociale, l’épicerie de Florange a vu son nombre de bénéficiaires doubler en quelques mois et l’aspect qualitatif de la structure avait tendance à diminuer : moins de temps disponible pour discuter avec les usagers, violence entre les usagers, mécontentement, file d’attente dehors… Le personnel du CCAS et l’équipe de l’épicerie ont donc réfléchi aux modifications à apporter au fonctionnement de l’épicerie pour améliorer le service rendu aux bénéficiaires. Il est ressorti que les locaux exigus, le manque de moyens financiers et de personnels supplémentaires imposaient une participation des usagers. Cette proposition a suscité beaucoup de craintes de la part des bénévoles au démarrage. Puis, petit à petit des échanges se sont mis en place autour de ce projet, de ses limites et avantages. Un questionnaire de satisfaction a été distribué aux usagers pour connaître leurs ressentis et savoir ce qu’ils pensaient de leur épicerie. La distribution et le dépouillage ont été gérés par les usagers qui ont proposé un nouvel aménagement, adopté à l’unanimité. Il a été inauguré avec l’ensemble des bénéficiaires et des personnes qui ont travaillé sur le chantier.
C’est une démarche compliquée, qui provoque beaucoup de remise en questions mais très positive et enrichissante. Ce sont finalement les personnes auxquelles les professionnels ne s’attendaient pas qui s’impliquent le plus.
 

L’expérience d’Episol à Saintes (17)
 
Le travail a été réalisé autour de la maison des consom’acteurs. L’idée de ce projet était de construire un lieu digne pour les habitants et de les faire participer au projet. Le groupe de travail multipartenarial est parti sur les valeurs fortes du projet : le respect, la tolérance, l’autonomie, la citoyenneté, la démocratie, la participation… Ainsi des petits groupes d’habitants se sont mis en place pour réfléchir sur les thématiques à aborder. Les décisions étaient ensuite prises collectivement lors de délibérations partagées. Ces groupes se sont réunis pendant 4 ans, de 2003 à 2007, date de l’ouverture de l’épicerie. Ce temps fut nécessaire pour créer la relation de confiance et pour impliquer durablement les usagers dans la construction du projet. Les usagers ont été force de propositions dans le groupe. Ils ont rencontré d’autres épiceries et ont pu faire remonter ce qui leur plaisait et ce qui ne leur plaisait pas. Ces réflexions ont permis l’élaboration d’une charte du bénévole. Les habitants ont pu passer de bons moments dans un projet dynamique et collectif.
L’épicerie a ouvert ses portes en 2007. 60 bénévoles (anciens habitants) accueillent 450 foyers par mois.
Ce travail a permis de regarder les bénéficiaires comme des personnes en capacité d’apporter des choses à l’épicerie.

Photo : © Aymeric Warmé-Janville 2009 - Contact  - Tous droits réservés